Par Stéphanie Lesage, Secrétaire Générale d’Airseas
L’un des événements les plus positifs de l’année 2022 dans le domaine du transport maritime et du climat est sans aucun doute l’essor rapide de la propulsion par le vent dans le secteur du transport maritime. La capacité des cargos à propulsion éolienne a franchi la barre du million de tonnes de port en lourd – un petit pas, certes, comparé à la taille de la flotte mondiale, mais un grand bond en avant pour la nouvelle technologie.
Au cours des derniers mois, des acteurs majeurs comme COSCO, BHP et MOL ont rejoint les rangs des partisans de la propulsion vélique, aux côtés de K-Line, Louis Dreyfus Armateurs, Oldendorff, Scandlines et Cargill. Les propriétaires de cargos, les affréteurs, les armateurs et les chantiers navals prennent conscience des avantages de la propulsion éolienne dans le cadre de l’évolution du transport maritime vers un avenir moins pollué par les émissions de carbone.
Un début encourageant n’est cependant pas suffisant. L’année 2022 ayant été une fois de plus dominée par des vagues de chaleur et des conditions météorologiques extrêmes, il est clair que la planète a besoin d’actions plus rapides sur tous les fronts, de la part de tous les secteurs d’activité. En outre, le transport maritime est toujours à la traîne par rapport à ce qui est nécessaire pour atteindre ses objectifs de décarbonisation. Selon les recherches menées par la collaboration « Maritime Transition Scenarios », si la trajectoire actuelle se poursuit, le secteur du transport maritime ne parviendra pas à atteindre les objectifs de l’OMI, à savoir une réduction de 50 % d’ici à 2050. Il pourrait atteindre les objectifs de Paris dans les scénarios les plus optimistes, mais ce n’est pas garanti(1).
Soyons clairs : la lutte contre le changement climatique est un sport d’équipe et aucune solution n’a le monopole de la décarbonisation. L’augmentation de la R&D, l’amélioration des itinéraires, une réglementation plus intelligente, la modernisation et les nouveaux carburants font tous partie de la solution.
En gardant cela à l’esprit, nous nous devons d’évoquer l’un des changements les plus importants que le transport maritime pourrait apporter aujourd’hui.
Le transport maritime – et plus précisément les régulateurs – devrait commencer à considérer l’énergie éolienne comme une source de propulsion plutôt que comme une mesure d’efficacité.
La propulsion, pas l’efficacité
Cette distinction technique peut sembler mineure, mais elle est importante et pourrait réduire considérablement les émissions de carbone du secteur maritime au fil des ans et influencer sa trajectoire pour les décennies à venir.
Au moment où l’OMI et l’UE réexaminent leurs stratégies phares de réduction des émissions, elles doivent reconnaître pleinement le rôle que la propulsion éolienne peut et doit jouer dans la voie de la décarbonisation du transport maritime. Les cadres réglementaires actuels sont largement basés sur les carburants – c’est là que se concentre l’essentiel des incitations, de l’examen réglementaire et du financement, comme le montre le récent vote du Parlement européen visant à réduire l’intensité en gaz à effet de serre de l’énergie contenue dans les carburants marins(2).
Nous en avons besoin. La seule façon de voir un secteur maritime complètement décarboné est de s’éloigner des combustibles fossiles.
Cependant, les combustibles ne sont pas la seule forme d’énergie existante. Les navires n’existent pas pour brûler des combustibles, mais pour transporter des marchandises sur les océans du monde entier. Tous les combustibles sont simplement un moyen de transférer une forme d’énergie à une autre. Par exemple, bon nombre des carburants du futur proposés – l’hydrogène vert ou l’ammoniac – dépendent de l’électricité produite par des sources telles que le soleil ou le vent.
Une approche centrée sur l’énergie
Dans le cas du vent, pourquoi ne pas aller directement à la source ? Si nous adoptons une approche centrée sur l’énergie plutôt que sur le carburant, il devient plus facile d’inclure le vent dans le mélange, avec le même résultat – une énergie de propulsion pour les navires qui n’augmentera pas les émissions de gaz à effet de serre. Convertir le vent en électricité, puis en carburant, puis le transporter et l’utiliser comme carburant est beaucoup moins efficace que de simplement capturer le vent en premier lieu. La propulsion par le vent n’est peut-être pas une solution énergétique totale, mais si l’on considère l’achat de la propulsion – et pas seulement du carburant – il est évident qu’il faut l’inclure dans l’avenir du transport maritime.
Le moment est crucial. La propulsion par le vent a fait ses preuves, elle est disponible et prête à produire rapidement des résultats sur les flottes actuelles, quel que soit le type de navire. Il convient de noter que la proportion de la flotte mondiale qui peut utiliser l’énergie éolienne augmente au fur et à mesure que les nouvelles technologies arrivent à maturité. Comme le note l’International Windship Association (IWSA), les précédentes évaluations de l’énergie éolienne ont également sous-estimé le nombre de navires pouvant l’utiliser. Le Seawing est un excellent exemple de l’applicabilité universelle de l’énergie éolienne, puisqu’il peut être installé sur pratiquement n’importe quel navire, dans n’importe quel segment. L’énergie éolienne peut – et doit – compléter tous les carburants alternatifs.
La technologie est également prête et disponible dès aujourd’hui, et il n’y a pas de meilleur moment pour commencer à l’utiliser. L’ONG Transport & Environment a récemment exhorté les députés européens à reconnaître le pouvoir du vent : « Ces technologies renouvelables étant commercialement disponibles aujourd’hui, elles offrent à l’industrie un excellent moyen de réduire les émissions tout en améliorant l’analyse de rentabilité des carburants verts. Une fois de plus, les députés européens ont la possibilité d’encourager les investissements dans les technologies vertes, en augmentant les récompenses pour l’utilisation de la propulsion éolienne ».
En traitant la propulsion éolienne comme une source de propulsion, plutôt que comme une mesure d’efficacité, nous pouvons commencer à exploiter le vent dans tout le secteur – une source d’énergie largement disponible et gratuite – directement à la source.
[1] https://www.napa.fi/three-maritime-transition-scenarios-uncertainty-is-inescapable-but-we-can-still-make-good-decisions-today/